dimanche 31 janvier 2010

Eric Chevillard

Je viens de commencer le dernier roman de cet écrivain : Choir. Je suis assez impatiente de le lire, et ce n'est pas sans une certaine appréhension teintée d'excitation.

Rien de mieux pour aborder une oeuvre que de faire connaissance avec l'auteur, interviewé par Roger-Michel Allemand.

J'en reparlerai, après lecture, si j'ai autre chose à dire que ce que j'ai lu ici et .

Pierre Vaneck

Pierre Vaneck est mort! Un acteur que j'aimais.

J'espère revoir cette pièce de Yasmina Reza, Art, où il interprète Marc avec Fabrice Luchini, Serge et Pierre Arditi, Yvan. Serge l'invite à venir voir sa dernière acquisition : une toile blanche acquise pour 200 000 francs. Incompréhension de Marc et Yvan et une discussion s'engage entre les trois amis sur l'art contemporain mais aussi sur l'absurde.

Marc à Serge : « Tu as acheté cette merde deux cent mille francs ? »
Serge à Marc, en réponse : « mais mon vieux c'est le prix c'est un ANTRIOS »
Serge à Marc, parlant de l'auteur de son acquisition : « Mais pour moi, c’est une divinité ! Tu ne crois pas que j’aurais claqué cette fortune pour un vulgaire mortel !… »
Répétée à plusieurs reprises : « Lis Sénèque. »
« "Et alors ?" "Et alors rien !" »
Marc : « Je me fous de ce que dit Paul Valéry. »
Serge : « Tu n'aimes pas non plus Paul Valéry ? »
Marc : « Ne me cite pas Paul Valéry. »
Serge : « Mais tu aimais Paul Valéry ! »
Serge à Marc : « Mais qui es-tu, Marc ?! »
Yvan : « Je veux être votre ami, Yvan le farfadet. »
Serge : « Un homme de son temps participe à la dynamique intrinsèque de l'évolution. »
Marc à Serge : « Si tu te blesses, ça signifie que tu es suspendu au jugement d'autrui. »

Wikipédia.

Je voudrais mourir comme Françoise Giroud : avoir un malaise en assistant à une pièce de théâtre et mourir quelques heures plus tard. Pouvoir jusqu'au bout, vivre de curiosité, de passion... sans attendre d'avoir 86 ans.

We are la France

We are la France



Encore une soirée théâtre hier qui fut une heure de totale jubilation (suivie d'une discussion interactive avec les acteurs) We are la France de Jean-Charles Massera et Benoît Lambert. J'avais craint un discours politique ennuyeux (en lisant le programme) raconté par deux comédiens et mes craintes ont vite été balayées. Çà nous parle de l'époque, des questions les plus brûlantes mais dans une atmosphère conviviale et détendue.
C'est EXCELLENT!
Il faut courir voir ce "spectacle" qui continue d'être représenté dans de nombreuses villes de France et j'attends déjà impatiemment la suite... We are l'Europe, en mars au Théâtre de Cornouaille.
Quelques échos ici et .

Libération.
Culture 18/02/2009 à 06h52
L’économie détournée
Théâtre. «We are la France» dynamite avec brio les discours-types.
MAÏA BOUTEILLET

"We are la France d’après Jean-Charles Massera, ms Benoît Lambert.
«Petite leçon d’économie politique à l’usage de tous», selon les propres termes du metteur en scène Benoît Lambert, We are la France, conçu à partir de différents textes de Jean-Charles Massera, se présente comme une forme légère pour deux acteurs emperruqués et un téléviseur. Du vrai-faux théâtre d’intervention à installer partout, singulièrement dans les lieux d’apprentissage. Début février à Paris, les représentations prévues dans différentes facs ont dû être annulées ou rapatriées dans le foyer du Théâtre 71 de Malakoff, en raison du mouvement de grève des universités. Intitulé «Savoir quel appauvrissement de la culture nous voulons mettre en oeuvre», le premier dialogue entre un dirigeant d’entreprise et une mère de famille donne le ton du type de détournement qu’affectionne Massera. La mère : «Vous avez dit à plusieurs reprises que le passage en CM2 de mon fils n’était pas industriellement efficace, pouvez-vous nous expliquer ce qui justifie une telle prise de position qui vous distingue de vos concurrents ?» Réponse du PDG Silvio Akiyoshi : «De 4 à 9 ans, sous la pression croissante de leurs actionnaires et de leurs concurrents, les marques doivent aujourd’hui construire une relation privilégiée avec l’enfant…» Un peu plus tard, les acteurs ayant quitté tabourets et accessoires s’approcheront du public pour soulever cette question cruciale : «Comment survivre en temps de paix ?»

La force de Massera, auteur entre autres d’Amour, Gloire et CAC 40, réside dans sa façon de démonter le système, en le piratant. Epousant la forme de discours-types, il avance par dérapages et emballements délirants. L’ironie féroce avec laquelle il reconsidère les grandes questions du «struggle for life» constitue un fameux grain de sable dans les rouages de la déprime ambiante. Et l’on repart le sourire aux lèvres."

We are la France
Produit par Le Théâtre de la Tentative.
Interprété par Elizabeth Hölzle, Guillaume Hincky, Marc Chevillon.

samedi 30 janvier 2010

Le non-dit

Parfois on voudrait que l'autre, celle, celui à qui l'on s'adresse sache lire entre les lignes, qu'elle, qu'il entende nos non-dits; bien sûr, pour cela il faut que l'autre vous connaisse, intimement.
Si je ne suis pas comprise dans ce sens, par celles, ceux que j'affectionne, cela m'attriste.

Le plus terrible, c'est quand "je prêche le faux" me concernant espérant "faire deviner le vrai", et que ce faux reste le vrai pour l'autre. Cela m'anéantit.
Je ne suis pas claire là. Comment alors puis-je imaginer que l'on va deviner mes non-dits?

Et là, je suis anéantie.

Mais fort heureusement - enfin, je ne sais pas si c'est heureux -, le non-dit n'est pas ma tasse de thé. Bien au contraire, je dis tellement ce que je pense que j'en suffoque plus d'un, plus d'une quelquefois.
Mais il y a le non-dit par délicatesse, le non-dit par calcul, le non-dit par oubli, le non-dit par pudeur, le non-dit par hypocrisie; les nuances sont subtiles. Les miens sont toujours des non-dits émotifs, d'une extrême importance, d'où l'utilité de les deviner. Que je suis compliquée!

"Le non-dit est tout ce qui en l'homme échappe à la canalisation.
[...]
Dire l'indicible, c'est à quoi s'attache l'art notamment, fidèle en cela au paradoxe fondateur du langage qui est de trouver le mot pour la chose.
[...]
Homme, tu ne peux éprouver que l'horreur devant ce long silence qui, dans ton tremblement éperdu d'angoisse, devient tout d'un coup éternel."

Claude Olievenstein, Le non-dit des émotions (éd. Odile Jacob, 1988)

vendredi 29 janvier 2010

Vive le théâtre

Je viens de faire un fabuleux voyage, un voyage dans un fauteuil, un voyage qui n'a duré que deux heures et demie.
Ô merveille du théâtre! quand celui-ci par les acteurs nous transmet son énergie.
Je viens de voir Le Cocu magnifique de Fernand Crommelynck par la compagnie Théâtre en Scène.

Les comédiens Itsik Elbaz (Bruno, le Cocu magnifique) et Anne-Catherine Régniers (Stella, sa femme) étaient extraordinaires. Des noms inconnus sans doute, sauf peut-être par quelques initiés?
Cette pièce parle de la jeunesse d'un amour, de la jalousie, de sa folie dévastatrice, de la passion dévorante qui s'apparente au désir de possession. Le mari jaloux, pour être certain d'être cocu, va jeter sa femme dans les bras des autres. C'est troublant, cruel, pervers.
"J'affirme enfin un théâtre fait de mise en abyme, de lectures à différents niveaux où la dimensions tragique se cogne à la force comique et dérisoire de la situation".
Vincent Goethals, le metteur en scène.

Oui, ce furent deux heures et demie de bonheur.

VAN GOGH par VINCENT

Portrait de l'artiste par lui-même,
Arles, septembre 1888, huile sur toile signée en bas à droite :
Vincent, et dédicacée en haut à gauche : A mon ami Paul G.
Cambridge, Massachusetts, Fogg Art Museum.

Que suis-je aux yeux de la plupart des gens? Une nullité, un original, un homme désagréable; quelqu'un qui n'a pas de situation sociale et n'en aura jamais, bref, un peu moins que la plus grande nullité.
Bon, mettons qu'il en soit ainsi. Je voudrai prouver par mon oeuvre qu'il y a tout de même quelque chose dans le coeur de cet original, de cette belle nullité.
Vincent à Théo, La Haye, juillet 1882 (lettre 218 en néerlandais, tome 1, page 420)

Pascal Bonafoux, Van Gogh par Vincent (éd. Denoël, 1986)

jeudi 28 janvier 2010

Philippe Annocque, clap 4ème


Vitrail de l'église de Moustier, Sainte-Marie.

" Ceux qui s'agenouillaient ressemblaient aux figures des vitraux de l'église de Moustier, et pendant qu'ils sondaient de leurs doigts la profondeur des plaies tu voyais avec étonnement remonter à la surface de ton esprit des images des crèches d'autrefois".

Philippe Annocque, Chroniques imaginaires de la mort vive (Melville éditeur, 2005)

J'éprouve un sentiment étrange en refermant Chroniques imaginaires de la mort vive de Philippe Annocque. Après avoir lu Une affaire de regard, Par temps clair, Liquide (dans cet ordre-là) j'avais réussi - me semble-t-il - à donner un nom au narrateur, donc à me les approprier un peu ("nommer c'est déjà posséder"). Avec ce dernier livre lu (qui est en fait son second livre publié) je ne me suis pas posé la question de savoir (comme pour les autres) si c'était une autofiction, non, c'est de la fiction; et j'ai donc découvert un auteur, toujours le même et pourtant ce livre-là est complètement différent, enfin presque, car le style de l'écrivain est bien là avec ce questionnement identitaire, ces retours à la ligne, qui sont cette respiration ou ces silences que l'on retrouve dans Liquide et que j'aime tant.

Dans Chroniques imaginaires de la mort vive c'est plutôt le suspens, le mystère, mon imaginaire est sollicité; on est loin de la légèreté et de l'ironie du regard de l'écrivain dans Une affaire de regard et Par temps clair. Philippe Annocque ne cesse de me surprendre. Mais je suis presque sûre que si on me présentait son prochain livre à lire en blind test, je reconnaîtrais immédiatement son auteur. Je me répète, ce style est unique et certainement inspiré par quelques maîtres... (Il en parle ici).

On peut lire les premières pages de son ouvrage dans ses Hublots mais j'ai choisi les deux extraits ci-dessous qui me parlent particulièrement :

Le dire
La journée cependant a passé sans que tu trouves les mots pour le dire. Le dire n'a jamais été votre fort à vous tous.
Le sommeil probablement est venu couvrir tout cela d'un voile trouble. Tu as dû te réveiller, te rendormir à plusieurs reprises, cette nuit-là; le nombre de fois nécessaire pour qu'au terme de la nuit, lorsque vint enfin l'heure de se lever, le doute subrepticement se fût glissé dans ton esprit : peut-être - vraisemblablement, certainement, indubitablement - avais-tu rêvé ces traces immenses qui se perdaient dans un brouillard fabuleux, le brouillard d'un monde tellement incompatible avec l'opaque blancheur brûlante du lait qui en se répandant de part et d'autre de ta langue y laissait son empreinte sapide.
A quoi bon dès lors aller distraire de leurs tâches ceux qui par bonheur étaient pourvus d'une imagination moins fantasque que la tienne.
[...]
Et tandis que tes yeux regardaient tes pieds s'enfoncer dans l'humus, tu devais sentir ta mémoire faire comme une manière de mouvement sur elle-même, pareille à une nappe qu'on replie, dans un effort gauche pour restituer devant les yeux de ton esprit toute la subtile réalité des empreintes qui croyais-tu s'y étaient imprimées la veille, et qui à chaque détail nouveau que tu croyais retrouver t'échappait derechef dans une sorte de fuite en avant.
(page 40-41).

La curiosité commençait à poindre : ta mémoire à présent était l'objet d'une fouille méthodique, en quête d'une indication relative à ce qui de plus en plus ressemblait à un domaine privé et assez étendu, - une fouille méthodique mais vouée à l'inanité : tes rêveries d'enfant et de jeune homme ne s'étaient jamais arrêtées si près de Vauvert, et les préoccupations de tes proches ne s'en étaient jamais autant éloignées.
Enfin tu vis le bout du chemin : au-delà d'un portail encore une vaste demeure - tu manquais du vocabulaire nécessaire pour la nommer plus précisément -, quelque chose de propre en tout cas à alimenter tes songeries enfantines d'autrefois, et où ton regard d'aujourd'hui s'attardait dans la contemplation comparée des traces d'abandon de vie mêlées.
Le portail cette fois était fermé d'une lourde chaîne, mais toi maintenant tu n'avais pas envie de t'arrêter; toute cette course derrière toi qui t'avait amené jusque-là te donnait l'élan d'un projectile aveugle
et avisant une brèche à droite du mur tu dis au chien d'attendre là.

(page 78)

Bien sûr, je me permets ces extraits sortis de leur contexte toujours avec la même réserve : un livre ne se ressent qu'après une lecture complète. Une autre lecture, plus experte, de ce livre ici.

Et maintenant, il va me falloir attendre le prochain Annocque, sans impatience - ce n'est pas de la littérature de gare - mais pas sans fébrilité.

mercredi 27 janvier 2010

J'existe... dans les nuages








J'observai cette traînée de craie zigzaguant dans l'azur ce matin, se désagrégeant peu à peu.
Je contemplai ce ciel.
J'observai les corneilles et les tourterelles virevoltant dans cette chorégraphie chaque jour renouvelée.
J'ouvris ma fenêtre pour immortaliser l'instant. L'air était glacial.
Je cherchai du regard une apparition, quelque chose d'indicible que moi seule aurai pu saisir, quelque chose qui aurait, peut-être, donné un sens à ma vie?
Et rien n'est venu, même pas un souffle d'air. Je ne sentai pas le froid.
Je n'existai pas.

Je n'existe pas. On peut donc être vivant sans exister. Je ne suis pourtant pas dans une phase de mélancolie, comme je peux l'être parfois. Non, ma vie est remplie et pas que de vide; mais ce sentiment de ne pas exister, pleinement, est bien réel.

Exister, est-ce simplement vivre?
"Les termes d'« existence » et de « vie » semblent à première vue équivalents ; si on se réfère à la définition que donne le Petit Robert, exister, c'est vivre et vivre, c'est exister. Vivre ou exister, c'est émerger du néant, c'est avoir une réalité dans le monde.
Certaines nuances sont pourtant à établir : vivre, ce n'est pas seulement exister. En effet, la vie renvoie à une perspective biologique : elle se rapporte à la croissance et la conservation d'un être selon des principes organiques. La vie, à ce titre, peut caractériser la plante, l’animal et l’homme. Toutefois seul l’homme peut être qualifié d’existant : il est en effet le seul être vivant capable de se représenter sa vie et d’ouvrir un horizon de sens. L’existence est donc une notion essentiellement métaphysique qui renvoie à la spécificité de l’être humain."

S’il faut d’abord vivre pour pouvoir exister, l’existence se réduit-elle pour autant à la vie ? Et en quoi précisément l'existence diffère-t-elle de la vie ? Voilà qui fait un beau sujet de philo! Nulle part on ne parle de regard; ce regard de l'autre qui pour moi est essentiel pour me sentir exister. Sans ce regard-là, je vis, bien sûr, mais j'ai besoin de lui, aimant, pour exister pleinement.

Et voilà comment une traînée de condensation dans le ciel m'amène à philosopher sur ma non-existence! A vrai dire, ce matin j'étais (verbe être) dans les nuages, mais alors, j'existais?

mardi 26 janvier 2010

La promesse de l'aube


Avec l'amour maternel, la vie vous a fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours.
Après cela, chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son coeur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné : jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour; mais vous êtes au courant, vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n'y a plus de puits il n'y a que des mirages.

Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Partout où vous allez, vous portez en vous le poison des comparaisons et vous passez votre temps à attendre ce que vous avez déjà reçu.
[...]
Souvent, avant de m'endormir, je voyais ma mère entrer dans ma chambre, elle se penchait sur moi et souriait tristement puis elle disait : lève les yeux, et je levais les yeux. Ma mère demeurait penchée sur moi un long moment puis elle m'entourait de ses bras et me serrait contre elle. Je sentais ses larmes sur mes joues.

Romain Gary, La promesse de l'aube. (Paru en 1960)

L'art de l'enfance, cette semaine dans les NCC

La promesse de l'aube est un roman d'inspiration autobiographique mais n'est pas une autobiographie.
"Les enfants élevés par ces mères trop ferventes restent toujours, dit l'auteur, " frileux " de coeur et d'âme, et chargés d'une dette écrasante qu'ils se sentent incapables d'acquitter."

De l'euthanasie

Un sujet qui me tient à coeur et sur lequel je reviendrai.
Cette phrase de Romain Gary, dite ce matin par Raphaël Enthoven dans les NCC :
"Il n'y a pas plus dégueulasse que d'enfoncer la vie de force dans la gorge des gens qui ne peuvent pas se défendre et qui ne veulent plus s'en servir".

lundi 25 janvier 2010

Etoile brillante

Ben Wishaw et Fanny Brawne

"Brocardé de son vivant par la critique, John Keats, dont l'oeuvre a été écrite en l'espace de trois ou quatre ans à peine, figure aujourd'hui au panthéon des poètes où il tutoie Goethe, Shakespeare ou Rimbaud" (Les Echos, 6/01/10).

Le film se déroule dans la passion entre le poète sans le sou et une riche jeune fille.

L'un des plus fameux poèmes de Keats s'achève sur ces vers :

Brillante étoile ! Que ne suis-je comme toi immuable,
Non seul dans la splendeur tout en haut de la nuit,
Observant, paupières éternelles ouvertes,
De la nature patient ermite sans sommeil,
Les eaux mouvantes dans leur tâche rituelle,
Purifier les rivages de l’homme sur la terre,
Ou fixant le nouveau léger masque jeté
De la neige sur les montagnes et les landes-
Non-mais toujours immuable, toujours inchangé,
Reposant sur le beau sein mûri de mon amour,
Sentir toujours son lent soulèvement,
Toujours en éveil dans un trouble exquis,
Encore son souffle entendre, tendrement repris,
Et vivre ainsi toujours-ou défaillir dans la mort
.

Dans le sublime film de Jane Campion, à voir évidemment impérativement en VO, la musicalité de la langue anglaise semble faite pour exprimer toutes les nuances de l'âme romantique.

Bright star! would I were steadfast as thou art—
Not in lone splendour hung aloft the night,
And watching, with eternal lids apart,
Like Nature’s patient sleepless Eremite,
The moving waters at their priestlike task
Of pure ablution round earth’s human shores,
Or gazing on the new soft fallen mask
Of snow upon the mountains and the moors—
No—yet still steadfast, still unchangeable,
Pillow’d upon my fair love’s ripening breast,
To feel for ever its soft fall and swell,
Awake for ever in a sweet unrest,
Still, still to hear her tender-taken breath,
And so live ever—or else swoon to death.


Ce dernier film de Jane Campion est aussi éblouissant que La leçon de piano. Les paysages, la lumière, les costumes, tout est composé comme un tableau. Les sentiments vont éclore lentement jusqu'à s'embraser dans un amour qui restera platonique mais pas moins incandescent. Filmer la poésie un pari impossible et pourtant Jane Campion le réussit magnifiquement. C'est d'un romantisme absolu, d'une sensualité, oserai-je dire insupportable, tant elle est à fleur d'image, à fleur de mains, à fleur de coeur, d'autant que la sexualité leur est interdite. Tout est suggéré, effleuré... John Keats et Fanny Brawne sont interprétés par Ben Wishaw et Abbie Cornish qui forment un couple exceptionnel. Lorsque Ben Wishaw dit ses poèmes (ceux de Keats), sa voix nous traverse (transperce?). Oui, j'ai vibré pendant 1h59 et j'ai fermé les yeux pendant le générique de fin qui se déroule sur un poème de Keats avec la voix envoûtante de Ben Wishaw.

Il n'est rien de plus douloureux que le sentiment amoureux mais il n'est rien de plus beau.

"Je ne suis certain d'une vérité quelconque, que si je perçois clairement sa beauté".
John Keats.

dimanche 24 janvier 2010

La vieillesse, Simone de Beauvoir

J'ai entendu cette semaine des extraits d'entretiens avec Roland Barthes et j'ai retenu ceci (très approximativement) : un livre n'est pas fait pour être lu d'un bout à l'autre, du début à la fin. Il est bon de sauter des pages, d'aller un peu au hasard, de revenir ensuite.
Je pense en effet, que cela est préférable, surtout lorsqu'il s'agit d'Essais.
C'est ce que je fais avec ce pavé de 600 pages dont j'ai entrepris la lecture depuis peu. Je passe donc tout de suite à la page 477!

L'absence de curiosité du vieillard, son désintérêt sont renforcés par son état biologique. Être attentif au monde le fatigue. Même les valeurs qui avaient donné un sens à sa vie, il n'a souvent plus la force de les affirmer. Ainsi, quand Proust voit pour la dernière fois M. de Charlus, cet homme jadis superbe a perdu son orgueil aristocratique. Croisant Mme de Sainte-Euverte qu'il dédaignait jadis, il la salue comme si elle était une reine. "Tout son snobisme passé, il l'anéantit d'un seul coup par la timidité appliquée, le zèle peureux avec lequel il ôta son chapeau." La raison de son geste était sans doute, dit Proust, " une sorte de douceur physique, de détachement des réalités de la vie si frappante chez ceux que la mort a déjà fait entrer dans son ombre".
L'indifférence intellectuelle et affective de l'homme âgé peut le réduire à une totale inertie. Swift, vieux, ne se sentait plus concerné par rien : "Je m'éveille dans un tel état d'indifférence à tout ce qui peut se passer dans le monde et dans mon cercle étroit que... je resterais certainement au lit toute la journée si la décence et la crainte de la maladie ne m'en chassaient pas".

Simone de Beauvoir, La vieillesse. (Ed. Gallimard, 1970)

Simone de Beauvoir a écrit cet essai il y a plus de 40 ans! Il faut du courage, de la force pour écrire sur un sujet tabou dont personne ne veut entendre parler. Même si en 40/50 ans les choses ont changé, nous vieillissons moins vite, les vieux sont plus actifs, il n'empêche que sa lucidité sur cette vieillesse est toujours d'actualité et je ne crois pas que notre perception de la vieillesse ait vraiment changée.

"L'Amérique a rayé de son vocabulaire le mot mort : on parle de cher disparu; de même elle évite toute référence au grand âge. Dans la France d'aujourd'hui, c'est aussi un sujet interdit. Quand à la fin de La Force des choses j'ai enfreint ce tabou, quel tollé j'ai soulevé! [...] Avec gentillesse ou avec colère un grand nombre de gens, surtout de gens âgés, m'ont abondamment répété que la vieillesse, çà n'existe pas! Il y a des gens moins jeunes que d'autres, voilà tout." ... dit-elle dans son Introduction.

Je vais mettre du temps à lire ce livre, le temps qu'il faut. Il le mérite, j'en suis sûre, comme de nombreux ouvrages de cette femme qui m'a toujours passionnée.

samedi 23 janvier 2010

On ne l'a pas fait exprès

On ne l'a pas fait exprès! Non, mais après l'enterrement hier, j'ai repris la route, mon Bezo (ma tite soeur) à mes côtés, épuisée d'avoir travaillé toute la nuit et de n'avoir dormi que deux heures pour assister à l'enterrement.
On ne l'a pas fait exprès - mais c'était comme si nous devions aussi te rendre ce dernier hommage - nous avons eu le droit à notre longue minute (non pas de silence) mais de fou-rire irrépressible.
Nous n'étions pas revenue depuis un bon moment dans la ville de notre enfance et une multitudes de nouvelles rocades, de nouveaux ronds-points nous ont perturbé pour retrouver le bon chemin du retour. Au volant, je suivais consciencieusement et bêtement mon beau-frère. Nous le voyons faire demi tour et je fais pareil, je le suis dans la nuit. Mon Bezo commence à pouffer : oh oh ah ah, il s'est gouré. Bon je le suis quand même et nous nous retrouvons au rond-point mais je le perds de vue, la circulation était dense. On se met à rire comme des baleines et quand mon Bezo commence à se marrer, c'est notre enfance que nous revivons. J'étais écroulée sur mon volant et soudain elle me dit, complètement hilare, pointant son doigt devant : là là, ils sont là. Effectivement, une voiture s'était garée sur le côté avec ses warnings. Hop, je me gare derrière. Et là on s'aperçoit que c'est une autre voiture et pas celle de mon beau-frère. Et le fou-rire de redémarrer, on décroche nos ceintures de sécurité pour mieux se bidonner, je pleure, je ne vois plus clair. Elle me dit : bouh, heureusement que je suis assise parce que je crois que j'ai fait trois gouttes! Et nous repartons de plus belle. De vraies mômes. 'tain, cinq minutes de poilade, çà ravigote!
On ne l'a pas fait exprès, mais je suis sûre que notre tante devait se tordre de rire du fond de sa boîte.

Sinon, il ne faut pas mourir à 92 ans si on veut remplir une église! A cet âge-là, tous nos amis sont déjà morts.

Nous avons fini par trouver la sortie et la bonne direction. J'ai su aujourd'hui que mon beau-frère s'était encore plus paumé que nous, et que sa femme (mon autre soeur) lui avait fait la tête pendant le voyage.

Mais pourquoi le fou-rire se déclenche-t-il souvent dans des situations dramatiques?

(Pour bien faire, il faudrait que je réécrive tout cela dans un style littéraire élégant;o))

Vie de Joseph Roulin, Pierrre Michon

Pierre Michon


Vincent Van Gogh, Portrait de Joseph Roulin assis, Arles 1888
Museum of Fine Arts, Boston


"Considérons-le, Roulin, un dimanche matin en août, suivant l'énergumène dans un chemin du bout d'Arles, quand ce n'étaient pas des portraits que celui-ci peignait, mais que sur le motif il allait préparer le travail de ses biographes, faire le coup de la liturgie solaire, le face à face aztèque avec la source de toute lumière; et certainement il ne voyait là rien de liturgique ni d'aztèque, mais de pictural oui, et audacieusement, puisque ce qu'il faisait, les impressionnistes même l'osaient peu; et s'il portait ce galurin jaune, c'était parce que çà tapait dur, Roulin ni moi n'y voyons rien de sacrificiel. Ca y est donc : les voilà assez loin sur la route de Tarascon, ils descendent dans un grand lopin qui ondule en contrebas, un champ de blé ou de melons; les cigales infatigablement mâchent le temps, l'espace, car il est déjà dix heures; Vincent se serait bien passé de Roulin, il s'efforce de ne pas le voir ni l'entendre, mais il ne l'éconduit pas, c'est un brave homme près de qui il fait chaud quand on ne peint pas; il plante le chevalet, il sort les trois jaunes de chrome, presse un des tubes et l'applique, le petit drame une fois encore tâtonne et s'amorce sur une toile de trente pour les biographes à venir, les businessmen de Manhattan; Roulin s'est assis sous un arbre avec près de lui peut-être le panier du casse-croûte et la bouteille d'Augustine, et regarde."
[...]
"C'est un personnage de bien peu de profit quand on se mêle d'écrire sur la peinture. Il me convient. Il est exténué et peut être gai comme la forme. Il est vide comme un rythme. La scansion vaine, despotique et sourde qui soutient ce qu'on écrit, l'alimente et l'épuise, je veux ici qu'elle porte son nom; je veux qu'elle endosse à l'instant la grande vareuse et la casquette des Postes; qu'elle vieillisse à Marseille et se souvienne d'Arles; qu'une barbe lui pousse; elle apparaîtra en bleu de Prusse, alcoolique et républicaine; elle n'entendra goutte aux tableaux, mais par chance, par rapt, elle deviendra peut-être une fois encore tableau; elle sera moujik, ou barine s'il me chante - et qu'elle soit tout à fait arbitraire, comme d'habitude, mais que très visible elle vienne au jour, se manifeste et meure".

Extraits : Vie de Joseph Roulin, Pierre Michon (éd. Verdier)

"J'ai voulu le* voir en deçà de l'oeuvre; par les yeux de quelqu'un qui ignore ce qu'est une oeuvre, si ce phénomène était encore possible à la fin du siècle dernier; quelqu'un qui vivait dans un temps et dans un milieu où la mode n'était pas encore que tout le monde comprît la bonne peinture : ce facteur Roulin qui fut l'ami d'un Hollandais pauvre, peintre accessoirement, en Arles en 1888. Et bien sûr je n'y suis pas parvenu. Le mythe est beaucoup plus fort, il absorbe toute tentative de s'en distraire, l'attire dans son orbite et s'en nourrit, ajoutant quelques sous au capital de cette affaire en or, sempiternellement.
Cet échec est peut-être réconfortant : il me permet de penser que le facteur Roulin se tient nécessairement devant qui l'évoque à la façon d'une apparition, comme le voulait celui qui le fit exister."

P.M. (4ème de couverture).
* Vincent Van Gogh

Il y a trois personnages dans ce livre : le peintre, le facteur et le narrateur, Pierre Michon.
Ai-je besoin d'ajouter que ce livre de 72 pages pour l'humble lectrice que je suis est un (grand) livre puissant, un de ces livres courts à lire longuement, en s'arrêtant sur chaque mot. J'y ai retrouvé la "musique" de Un coeur simple de Flaubert. Je découvre seulement aujourd'hui Pierre Michon avec ce livre et Le Roi du bois, grâce à un ami. Il y a quelques mois, Pierre Michon était invité par Frédéric Ferney pour parler de son dernier livre Les Onze* et j'avais été touchée par la simplicité, le visage généreux de cet homme, son regard plein de bonté. Un autre écrivain à qui je me confiais, lui disant combien je me trouvais audacieuse d'oser lui écrire, tant je l'admirais, me répondit : "les écrivains sont des gens"! J'ai compris ce qu'il voulait dire et j'ai repensé à Pierre Michon, à cette modestie, preuve de la plus grande intelligence.
* Pour lequel Pierre Michon a obtenu en octobre 2009 Le Grand Prix de l'Académie Française.

vendredi 22 janvier 2010

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Il y a dans le musée des Beaux-Arts de ma province un Georges de La Tour fort beau, fort craquelé, fort peu surveillé, que je considère comme le mien et avec lequel j'entretiens une liaison secrète faite d'attouchements, de caresses, de baisers, de palpations audacieuses , que je lèche aussi parfois, que je mordille et que je me déciderai un jour à manger pour de bon - demain peut-être.
Eric Chevillard, L'autofictif.

"Nous allions à l'enterrement de mon père. Nous sommes allées prendre un café au wagon-bar. Voyant mon désarroi elle m'a raconté une histoire, et j'ai éclaté de rire. J'avais honte. Elle m'a dit : mais non ma chérie, tu as encore le droit de rire."

Eric Chevillard m'aide souvent dans mes moments de spleen.

Comme un adieu voilé

Le ciel a la couleur du deuil ce matin, comme s'il voulait pour t'accompagner dans ta dernière demeure, marquer ce jour d'un voile apaisant.

jeudi 21 janvier 2010

Ma nuit chez Maud


Revoir un film de Eric Rohmer, c'est aussi exquis que de lire un bon livre.

Un film de Rohmer ce n'est que du texte, et par n'importe quel texte : introspection, philosophie, interrogation existentielle. Dans Ma nuit chez Maud, il y a de longs dialogues sur la religion (des références à Pascal), sur les rencontres de hasard, entre Jean-Louis Trintignant (l'ingénieur catholique pratiquant) et Françoise Fabian (la femme libre, libérée). J'avais un peu oublié comme elle était belle Françoise Fabian.

Ce que j'aime chez Rohmer ce sont justement ces dialogues à bâtons rompus, profonds, intelligents mais pas du tout ennuyeux.

Au début du film, qui se passe à Clermont, Trintignant (l'ingénieur) rencontre par hasard son camarade de Lycée, Antoine Vitez (Vidal), dans un café (Le Suffren si je me souviens bien) :

- Tu viens souvent ici? lui demande Trintignant
- Pratiquement jamais et toi?
- C'est la première fois que j'y mets les pieds.
- Et c'est ici précisément que nous sommes rencontrés, c'est étrange.
- Non, au contraire, c'est tout à fait normal. Nos trajectoires ordinaires ne se rencontrant pas, c'est dans l'extraordinaire que se situent nos points d'intersection, forcément.

(Trintignant disant cette dernière phrase, avec sa voix, unique, je buvais du petit lait). La suite? Sa nuit chez Maud... j'en rêve! Un homme qui ne saute pas sur la femme qui s'offre mais qui entame avec elle une conversation sur la religion, sur les rencontres, dans un jeu sensuel, latent; mais l'ingénieur est amoureux d'une jeune fille blonde aperçue fugitivement qui l’obligera à vivre une étrange et poignante aventure intérieure, réfrénant son désir pour la belle doctoresse! Ô que j'aime Rohmer!
Je l'ai revu hier soir. Etait-ce une bonne idée? Au milieu de la nuit je n'en pouvais plus de mon t-shirt tirebouchonné par mes changements de côtés agités et, n'y tenant plus, je m'en suis dévêtue et me suis rendormie avec cette belle image de Françoise Fabian, voluptueuse, jetant le sien pour s'enfoncer nue sous ses draps. Comment Trintignant a-t-il pu résister? La faute à Rohmer, sûr.

Je ne me souviens pas ensuite d'avoir rêvé d'un Jean-Louis Trintignant venant s'allonger près de moi, sur le lit, enveloppé d'une couverture en fourrure! Quel dommage.

mercredi 20 janvier 2010

Les blogs : enième

Paresseux sans histoire, François Matton

Bloguer c'est communiquer! Oui mais si communiquer c'est déconner, çà devient vite lassant. Il y a déconner et déconner! Le 20 novembre j'écrivais ce billet, pensant que que j'allais tenir le coup et ne plus commenter. Et j'ai continué de lire sans pouvoir m'empêcher de commenter ceux (textes ou dessins) que j'aime. Et voilà, mon gilet pare-balles a encore pris des coups. Il faut dire aussi que je ne dois pas être dans la même tranche d'âge que la plupart des "commentateurs". Pourtant j'aime tellement rire, et j'ai le rire facile.
Donc, cette fois, je dois absolument me contenter de lire ces blogs et me taire.
devrait être possible tout de même. Je-vais-y-arriver!
Comment faire pour me taire quand je vois ce dessin qui me fait craquer? Je ne peux pas lui "foutre la paix" à ce koala. Bon, la girafe il l'a rajoutée après, tsss! (elle est trop mignonne aussi).

Fluctua nec mergitur

Rue de Seine, Paris 1910

Rue de Lyon, Paris 1910

En janvier 1910, Paris connaît durant une «semaine terrible» une inondation exceptionnelle. Un siècle après, une exposition à la Galerie des Bibliothèques de la Ville de Paris fait revivre cet événement spectaculaire. Du 8 janvier au 28 mars 2010, 22 rue Malher 4è.

Il y a cent ans, Paris se noyait et on nous parle de la prochaine - et inévitable - crue centennale qui plongera Paris et sa banlieue sous les eaux. 850 000 personnes seront touchées, des hôpitaux évacués, le métro submergé. Et il est probable que la prochaine crue sera encore plus catastrophique.
"Depuis 2003, à Paris, ce risque est pris très au sérieux. Onze scénarios classés confidentiels ont été établis par la préfecture, et revus cet été. Ils décrivent tous la catastrophe à venir."
(JDD Paris, 17 janvier 2010)

"Des musées toujours sur la menace.
Les musées du Louvre et d'Orsay ont déménagé une partie de leurs réserves en banlieue dans un centre de stockage provisoire. le Louvre a aussi réuni dans la cour du Sphinx ses statues les plus lourdes, qui ne pourraient être remontées rapidement en cas de crue. Le reste des réserves inondables seraient déménagées par une équipe de 700 hommes. Au Quai Branly 67000 oeuvres, dont 9000 "trésors précieux" ont été préconditionnées pour un transport rapide. En 2014, les réserves de ces trois musées, mais aussi les Arts Décoratifs de l'Orangerie, du musée Picasso et des Beaux-Arts, seront rassemblées dans le futur Centre de conservation à Cergy Pontoise (Val-d'Oise). Au sec, définitivement".

On a du mal à imaginer qu'une telle crue puisse se produire et pourtant les experts confirment.
Terrifiant. Bon, les parisiens ne vont pas se plaindre hein, tous les cent ans! Les quimpérois sont aussi mal lotis :

Les crues historiques (wikipédia)
Si les crues de 1995 et 2000 sont encore bien présentes à l'esprit, l'Odet et ses affluents ont débordé à bien d'autres reprises causant ainsi des dégâts dans la ville de Quimper. C'est ce qu'attestent les archives de la ville de Quimper qui nous apprennent que des crues se sont produites en 1651, 1664, 1765, août 1769, 1788, février 1838, mars 1846, juin 1856, décembre 1865, février1883, novembre 1892, janvier 1925, janvier 1928, février 1935, avril 1939, 1957 et février 1974.

Il est vrai, tout de même, - et bien que cette ville soit riche d'histoire - que c'est une goutte d'eau concernant ses "trésors précieux" en comparaison des oeuvres d'art conservées dans les musées parisiens.

mardi 19 janvier 2010

Boltanski, Monumenta 2010




Au Grand Palais Christian Boltanski occupe les 13500 m² sous la nef et invite les spectateurs à découvrir ses "oeuvres" pour le moins provocantes et glaçantes! L'exposition se visitera en doudoune, bonnet et gants fourrés!

"J'aimerais que les gens ressentent quelque chose qui les amène à se poser des questions. En art, ce qui m'intéresse n'est pas qu'on soit devant quelque chose, mais à l'intérieur d'une oeuvre. Qu'il fasse froid, qu'il y ait un son relativement fort, en fait partie".
Un cimetière de manteaux posés sur le sol les bras écartelés frapperont le regard avant de se percuter sur un étrange terril fait de 15 tonnes de vêtements -prêtés par des associations et qui seront tous recyclés. Une grue armée d'un "méchant crochet" s'en emparera pour les déplacer encore et encore, tandis que des haut-parleurs diffuseront un brouhaha de 400 battements de coeur différents.
"On entrera dans les lieux avec un bruit d'usine parce que tous ces coeurs vont battre ensemble, dit l'artiste. Et quand on approchera d'un poteau, on n'en entendra plus qu'un seul".
(Le JDD, 10 janvier)

A 66 ans Boltanski s'interroge sur le sens de sa vie, sur la mort, le destin, le hasard. Dommage que cette exposition de folie s'achève le 21 février, je ne pourrai pas satisfaire ma curiosité.

Monumenta 2010 : "Personnes"
de Christian Boltanski
Du 13 janvier au 21 février.

Urgence

Petite forme au réveil ce matin, il me faut tout de suite faire travailler mes zygomatiques.

"Pour paraître plus jeune, je laisse astucieusement pousser pendant quelques jours une barbe qui dissimule les plis de mon visage fatigué, mais cette barbe se piquette de poils gris et pour paraître plus jeune alors astucieusement je la rase."

"Narcisse se crut soudain frappé de cécité; hagard il allait par les rues en tâtonnant. Les médecins consultés n'y comprenaient rien. C'est une grenouille qui diagnostiqua le mal - il n'y a plus d'eau dans la fontaine dit-elle."

"Je n'étais pas très satisfait de ce qui venait sous ma plume, aussi écrivis-je attention! là! derrière vous...!, et, comme le lecteur se retournait, j'en profitai pour achever dans son dos mon misérable récit."

Eric Chevillard, L'autofictif.

Ah! Je me sens mieux, je peux aller me mirer dans la fontaine... euh, dans le miroir de mon désespoir.

lundi 18 janvier 2010

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Je m'éparpille, je butine çà et là sur la toile, pour oublier je ne sais quoi : mon infan(fu)tilité? J'essaie parfois d'être futile, pour m'alléger de tout ce qui m'encombre, et je sais que je n'y arrive pas. Je ne suis pas faite pour le rire ou l'humour en groupe, d'ailleurs je déteste les groupes, les troupeaux de toute sorte.
Je ne sais pas prendre de recul, tout m'atteint. (Je crois que je me répète là).
Je n'aime que la solitude, et les tête-à-tête, pour le rire, le bien-être, la complicité ...

"Tout esprit profond avance masqué". Nietzsche.

Et j'avance sans masque, profondément, faible d'esprit.

L'écrivain en vacances


Il reste toujours écrivain, comme il se doit. L'écrivain ne travaille pas, il travaille tout le temps.
C'est "le prestige d'une vocation que rien ne peut dégrader".

"Ce qui prouve la merveilleuse singularité de l'écrivain c'est que pendant ces fameuses vacances, qu'il partage avec les ouvriers et les calicots, il ne cesse lui - sinon de travailler - du moins de produire. Faux travailleur, c'est aussi un faux vacancier; l'un écrit ses souvenirs, un autre corrige des épreuves, le troisième prépare son prochain livre; et celui qui ne fait rien l'avoue comme une conduite vraiment paradoxale, un exploit d'avant garde, que seul un esprit fort peut se permettre d'afficher. On connaît à cette dernière forfanterie qu'il est très naturel que l'écrivain écrive toujours, en toute situation. D'abord, cela assimile la production littéraire à une sorte de secretion involontaire, donc taboue, puisqu'elle échappe aux déterminismes humains.
Pour parler plus noblement, l'écrivain est la proie d'un Dieu intérieur qui parle en tout moment, sans soucier le tyran des vacances de son medium.
Les écrivains sont en vacances, mais leur muse veille et accouche, sans désemparer."
Roland Barthes, Mythologies.

Ce matin dans les NCC.

dimanche 17 janvier 2010

Tenir ta main

J'aurais voulu tenir ta main dans cette ultime heure, minute, seconde, cette nuit, quand tu as fermé tes yeux pour toujours.
Je ne pleure pas. J'attendais, j'espérais depuis de longs mois que tu t'éteignes; c'est le verbe qui convient car tu étais déjà morte depuis longtemps.
Je ne pleure pas. Je ne peux pas dire que je suis contente non plus. On ne peut pas employer ce mot là quand on perd quelqu'un qu'on aime. Je suis triste bien sûr mais tu n'étais plus - celle qui aimait tant la vie - depuis si longtemps.
La dernière fois que je t'ai vue, ce n'est pas seulement cela que j'ai vu, c'est ton petit corps recroquevillé, tes yeux déjà éteints, et ta main que j'ai caressée, en pleurant, en priant pour que tu meures.
J'ai prié pour que tu meures et je n'ai pas honte.
Tu es enfin apaisée et moi aussi.

Je me suis couchée tard cette nuit, comme si j'attendais ce coup de fil, à 1 h 30, j'étais encore éveillée, inconsciemment, en attente... je tenais ta main...

samedi 16 janvier 2010

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Là, maintenant, avec mon café, je me damnerais pour une petite tarte feuilletée aux pommes de chez Poilâne! Le boulevard de Grenelle est vraiment trop loin.

(250ème post, tout de même)!

Abert Camus et le théâtre

Je préfère la société des gens de théâtre à celle des intellectuels mes frères, et pas seulement parce que il est connu que les intellectuels - qui sont rarement aimables - arrivent difficilement à s'aimer entre-eux, non, mais, voilà, dans la société intellectuelle - je ne sais pourquoi - j'ai toujours l'impression d'être coupable, il me semble toujours que je viens d'enfreindre une des règles du clan.
Cela m'enlève du naturel bien sûr et, privé du naturel, je m'ennuie moi-même.
Parmi les gens de théâtre, au contraire, je suis naturel, c'est-à-dire que je ne me préoccupe pas de l'être ou de ne pas l'être, et je ne partage avec mes collaborateurs que les ennuis ou les joies d'une action commune. Cela s'appelle la camaraderie je crois? qui a été une des grandes joies de ma vie, que j'ai perdue au moment où j'ai quitté un journal que nous avions fait en équipe, et que j'ai retrouvée, dès que je suis revenu au théâtre.

Albert Camus. Extrait de "Gros Plan" 12 mai 1959.
La grande librairie du 7 janvier 2010 (la 5/Arte)

vendredi 15 janvier 2010

Liquide






"Cette eau si claire de l'enfance, si limpide, si transparente; où les moindres détails du fond des galets ronds se dessinaient avec une netteteté franche depuis lors perdue,
n'était qu'une illusion de plus, une illusion déja"
J'ai fini Liquide de Philippe Annocque (éd. Quidam)
Très différent des deux précédents lus, Une affaire de regard et Par temps clair. Mais on perçoit toujours ce plaisir de l'auteur à manier les mots, on retrouve ce style littéraire si particulier, cette recherche d'identification, cette impression parfois, de n'être personne.
Il m'a bouleversée.
Les plus beaux passages du livre je ne les écrirai pas. Par pudeur et pour donner (et me donner) envie de le lire (de le relire).

D'ailleurs, il est impossible de réduire ce roman par des extraits; ou ils seraient trop courts et ce serait frustrant ou ils seraient trop longs. Parce que ce roman ne supporte pas la coupure. Il est une respiration (une aspiration?). C'est une écriture qui me touche profondément, séduisante, qui m'a séduite. On ne sait pas si l'auteur parle de lui ou d'un autre, je crois que c'est au lecteur de décider. Enfin, c'est un roman, il parle donc d'un autre. J'aime cette recherche, cette interrogation permanente sur soi, sur ce qu'on est ou qu'on n'est pas, et ce que l'on devient, malgré soi. Je ne sais pas en parler, je crois que je n'ai pas envie d'en parler, j'ai envie de le garder pour moi, comme si j'en étais l'unique lectrice, privilégiée.

Et puis je ne saurai mieux dire - et avec moins de talent - que ce qui a été dit au sujet de ce livre ici ou .

jeudi 14 janvier 2010

Les bourgeoises de province

Je ne nierai pas que j'en fais partie (de la petite bourgeoisie) ayant reçu une éducation on ne peut plus bourgeoise. Ma mère nous a appris le goût des belles choses comme elle disait, des beaux vêtements de qualité; sa devise était : nous n'avons pas les moyens d'acheter des (de la m...) vêtements ordinaires; il fallait que çà dure en fait. Etre bourgeoise à Paris n'est pas du tout la même chose qu'être bourgeoise en province. Ici, dans ma ville très bourgeoise de province, l'anonymat n'existe pas ou si peu; à Paris, la bourgeoise se fond dans la masse.

Une balade en ville hier m'a conforté dans mon dégoût des bourgeoises de ma ville. Je ne les aime pas ces bourgeoises de province, d'ailleurs elles manquent de savoir-vivre quand elles me dévisagent des pieds à la tête, lèvres pincées, trouvant sans doute qu'il y a quelque chose d'inconvenant dans ma façon de m'habiller, plutôt sport (même en ville et il semblerait qu'ici çà ne se fait pas... à mon âge, tout de même), de porter des baskets ou autres Converse.
J'ai acquis pendant mes trente ans de vie parisienne une certaine décontraction et surtout grâce aux dix années pendant lesquelles j'ai vécu avec mon artiste. Son cercle de relations était très hétéroclite et cela m'a donné une aisance pour côtoyer n'importe quel milieu sans complexe.

Hier donc, j'ai eu envie de rentrer dans quelques boutiques de vêtements chics pour voir les soldes! Bien sûr, ma tenue vestimentaire était sans chichis, comme d'habitude mais, mais, j'ai toujours un accessoire qui fait que... la bourgeoise de passage me jette un regard amusé. Je vois une chouette veste en vitrine, je rentre, je tâte la matière, je m'en doutais elle est divine - un mélange d'alpaga et de laine -, une grande marque. La vendeuse ma foi est sympathique, parce que parfois, dans ces magasins de luxe, elles sont pédantes et me regardent d'aussi haut que leurs clientes. La veste était noire, je lui demande s'il y a une autre couleur : oui il me reste une violine en 38, au premier étage. Je monte, il y a deux clientes qui fouillent - une vieille dame et une autre à peu près de mon âge;o). Cette dernière me regarde avec insistance, sans empathie, ce serait vulgaire de lui demander si elle veut ma photo!
J'essaie la veste, une douceur, une légèreté, bien coupée, moderne, elle me va comme un gant.
La bourgeoise me regarde moins franchement, sur le côté, sournoisement, la vendeuse vient vers moi et me dit : comme elle va bien avec ce vous portez - un peu de brossage de pompes çà ne fait pas de mal - (j'avais un pantalon en velours beige et des baskets en cuir marron) et avec vos cheveux!!! Et là, c'est vrai que de dos;o) je me trouvais plutôt mignonne, avec ma tresse de cheveux gris hi hi! Eh oui, parce que, en plus, je ne teins pas mes cheveux; très mauvais point pour la bourgeoise.
Bref, la veste, ceinturée, avec des petits godets dans le dos, mes baskets et ma tresse, miam, le grand chic : porter une veste qui vaut une fortune avec un jean en velours. Euh, j'ai failli craquer, mais même soldée, je n'ose pas dire le prix! Pour me dépêtrer j'ai demandé à la vendeuse quand est-ce qu'elle commençait la deuxième démarque; pas tout de suite m'a-t-elle dit et sur ce modèle je ne pense pas... Ben voyons. J'ai reposé la veste sur son porte manteau et, incroyable, la bourgeoise est venue la toucher. Bien fait pour elle, il lui faut deux tailles de plus!
En fait, je me suis fait plaisir rien qu'en l'essayant. Mais quand même, j'y pense depuis hier à cette veste!

Je n'aime pas les bourgeoises de province.

mercredi 13 janvier 2010

L'éternité ou presque

"Son âme se détachait de son corps. Jeune, jamais elle n'avait pensé que l'âme et le corps fussent distincts. Mais son âme, qui acceptait difficilement les changements et continuait à rêver d'avenirs radieux, prenait désormais ses distances avec ce corps si vulnérable à l'épreuve du temps. Pour combler ce retard, son âme recherchait de nouvelles forces spirituelles capables de pallier ce que le corps n'était plus en mesure de faire. Mais il y avait un lien subtil entre puissance vitale et créativité et peut-être fallait-il donner à la fertilité cette seule signification.
Celui qui pouvait tomber amoureux d'elle aujourd'hui devait être séduit par son âme avant de l'être par son corps. Elle était toujours très étonnée par ces femmes qui mettent leur corps en avant, quel que soit leur âge, exhibant bras, jambes, seins flétris avec le même orgueil qu'à vingt ans. Mais l'amour n'avait jamais été l'affaire des âmes, pas plus que celle des corps. C'était, selon les philosophes de l'Antiquité, une affaire de
synolon, lien indissoluble entre l'âme et le corps, l'un ne pouvant exister sans l'autre. C'était peut-être ce contretemps qui faisait croire à l'immortalité de l'âme, cette transformation lente, d'une lenteur qui semblait s'accentuer encore avec l'âge, alors que le corps, lui, vieillissait à une vitesse extraordinaire. Viendra un jour, lui avait dit sa gynécologue, où cette incapacité de l'âme féminine à gérer les changements pactisera avec ce corps, et là, dans un sprint final, elle aura le dessus sur les hommes, dont le corps et l'âme vieillissent plus doucement, mais dans un même mouvement continu."
Antonella Moscati, L'éternité ou presque (éd. arléa).

J'ai lu ce livre d'une traite cet après-midi (75 pages) comme si je voulais encore rajouter à la mélancolie qui commençait à me gagner. J'ai pourtant un autre livre en cours de lecture mais j'éprouvais le besoin d'un respiration, tant il m'engloutit dans ses eaux profondes (tiens, je crois avoir déjà dit cela à propos de Virginia Woolf).

Née à Naples, Antonella Moscati est philosophe et traductrice. Elle a publié Verbali chez Léo Scheer. Elle partage sa vie entre Sienne et Paris.
En quatrième de couverture :
Qu'est-ce que l'expérience du temps? Quand finit la jeunesse et où commence la vieillesse?
Celle qui se pose - et nous pose - ces questions est une Italienne de plus de quarante ans*, qui voit peu à peu le regard des hommes se détourner d'elle*. Elle songe alors à sa jeunesse, si proche, si présente et pourtant perdue. Elle n'éprouve aucune nostalgie mais une peur panique et furieuse de ne pas vivre toujours.
Dans ce singulier récit philosophique et méditatif, Antonella Moscati aborde les différents âges de la vie avec une vivacité toute napolitaine. Elle tente de débusquer l'éternité dans le temps qui passe et s'interroge sur cet "étrange décalage entre ce qu'elle pensait être encore et ce qu'elle était déjà".


* J'ai du mal à croire que le regard des hommes ne s'attardent plus sur les femmes de quarante ans! Les stigmates de la vieillesse apparaissent bien plus tard et à la quarantaine la femme d'aujourd'hui est toujours séduisante et se sent bien plus libre qu'à 20 ans. Elle parle aussi de fertilité disparue et qui serait la cause de son vieillissement. "Mais comment vivre avec ce corps infécond privé de ce qui faisait sa force?". Je me demande du coup, si le fait de ne pas avoir eu d'enfant n'a pas préservé ma jeunesse;o)? J'ai remarqué que beaucoup de femmes de mon entourage, qui ont eu des enfants, pensent aussi cela : devenir infertile c'est être vieille.
Finalement, ma mélancolie s'est dissipée en refermant le livre. Et pourtant mes 40 ans sont très loin derrière moi. Mais il me plaît de savoir que l'amour est une affaire de synolon, ce lien indissoluble entre l'âme et le corps.

L'écrivain, le lecteur

Daniel Pennac dans l'émission Empreintes.

Un auteur parle de l'écrivain, de l'écriture, des lecteurs, de la lecture. Quelques beaux moments et belles images quand il parle du quartier de Belleville, de son livre Chagrin d'école (les mémoires d'un cancre) pour lequel il a obtenu le Prix Renaudot en 2007.

"J'écris pour être lu, pour créer un lien. Je suis liant dit-il en souriant, en regardant le superbe paysage du Vercors de sa fenêtre.
Bizarrement j'ai un besoin de solitude.
...
L'imagination çà consiste à rabouter des petits morceaux de poésie qui nous sont offerts par le réel.
...
Rien n'est plus gratuit que d'écrire des romans, quand çà marche, je descends ici à 8 ou 9 h, j'en repars à 7 ou 8 h. Bon an mal an j'ai produit en terme d'écriture définitive un paragraphe. Mais si çà se passait comme çà tous les jours, ce serait relativement rapide. Très souvent l'excitation du paragraphe est suivi par une espèce de, contentement de soi, meurtrier, qui fait que tu relis le paragraphe le lendemain; tu relis et tu corriges, et tu corriges encore, ici tu... tu accentues... la syllabe d'après tu rabotes... tu crées ta musique etc... et puis tu es embarqué dans cette affaire de musique, qui n'a plus rien à voir avec le texte, au point que, tu en oublies la nécessité du texte et que, cette espèce de contentement de soi à caractère musical, au bout d'un certain temps confine au dégoût. Et tu mets en doute ton écriture du moment mais aussi le projet ou le roman lui-même et, également, le fait que tu écrives.
(...)
Je crois beaucoup à la physiologie du lecteur. Je pense que l'acte de lire consiste d'abord à s'installer dans la forme du corps qui lit.
(Il regarde un tableau d'un homme assis dans un fauteuil en train de lire) et dit : et lui là, il a une physiologie du lecteur qui me fait beaucoup penser à mon père, qui nous regardait toujours par dessus sa lecture, et dans un fauteuil, les jambes croisées. Et il y a un délice de la lecture qui est dans la physiologie du lecteur, et on est - avant même que de lire - dans un bonheur physique.
(...)
La lecture acte de communication c'est encore une jolie blague; ce que nous lisons, nous le taisons. Le plaisir du livre lu, nous le gardons le plus souvent au secret de notre jalousie, soit parce que nous n'y voyons pas matière à discours, soit parce que, avant d'en pouvoir dire un mot, il nous faut laisser le temps faire son délicieux travail de distillation.
(...)
C'est un délice l'écriture quand même, un délice qui est dans un... dans un élément, c'est un élément, la langue est un élément, tu as l'eau, l'air, le feu et la langue; et quand je suis dans ces états d'écriture je plonge dans mon élément, tu vois, comme une baleine. Je suis là, dedans, en immersion, pendant quelques heures, comme la baleine. Et qu'est-ce qui entre dans cette gueule? le plancton. Le plancton linguistique c'est... des mots... des bribes de phrases dont... je me nourris, dans mon désir d'expression. (...) et il ne reste que très peu d'éléments comestibles, dans mon cas, qui vont finir en phrases; et là, la journée est finie et, pfutt, là par exemple nous sommes en surface. C'était, on l'aura compris, une métaphore."


Pourquoi n'ai-je rien lu de Daniel Pennac? Pourquoi n'ai-je pas été tentée de le le lire? Je n'ai pas la réponse. Une lacune... sans doute... je me demande si je n'ai pas lu, tout de même, il y a fort longtemps quelque livre de lui, emprunté dans une bibliothèque et qui m'avait plu. Comment est-ce possible de ne pas se souvenir d'un livre qui a plu?
Ah! Si, çà y est! (merci Google), c'était Comme un roman, çà parlait justement d'écriture :
"Comme un roman est un essai de Daniel Pennac paru en 1992 aux éditions Gallimard[1].
Cet essai se veut à la fois un hymne et une désacralisation de la lecture, ainsi qu'une invitation à réfléchir à la manière pédagogique de l'appréhender. Il constitue ainsi une critique des techniques, exigences et recommandations de l'éducation nationale."

mardi 12 janvier 2010

Internet, une drogue?

En fait c'est de cette accoutumance-là que je voulais parler et je me suis embarquée, malgré moi, sur le tabac, oui cette autre accoutumance, de ne plus pouvoir me passer d'Internet. Avec la cigarette j'avais aussi fait un test qui lui s'était avéré efficace : n'allumer ma première cigarette qu'à partir de midi, puis, après le déjeuner alors que je commençais après le petit déjeuner. J'avais ainsi réussi à réduire un peu (très peu) ma consommation.

Bien sûr, je ne reste pas connectée toute la journée, je sors, je lis, je marche mais quand je suis à la maison (pourquoi dit-on toujours à la maison même quand on vit dans un appartement?) j'ai de plus en plus tendance à venir sur mon ordinateur, pour un oui, pour un non. Parfois je me dis que c'est du temps perdu, à ne pas lire par exemple; alors pour déculpabiliser je me dis que je lis sur les blogs, et parfois de la belle littérature. Et pourtant, pourtant, quand je prends un livre, que je me cale dans mon fauteuil, mon canapé ou mon lit, je sais, à cet instant-là, que cette accoutumance-là est une drogue douce et que, celle-là, jamais je ne pourrai m'en passer. Elle m'enivre plus que tous les alcools, plus que toutes les nicotines, plus que tous les clics.

(je vais quand même essayer de retarder l'allumage de mon ordi... à partir de demain;o))

Brunes, blondes, tout était bon


Audrey Hepburn, Diamants sur canapé

Quand je me suis arrêtée de fumer, après 20 ans d'un paquet par jour (les premières années je fumais des brunes, moins chères puis des blondes quand j'ai eu des revenus) j'y suis allée par différentes étapes. Il m'a tout même fallu trois tentatives.

Pour la première j'ai voulu arrêter d'un coup, j'ai tenu un mois.

Pour la seconde, j'avais acheté ces horribles fume-cigarettes qui gardaient la nicotine dans un filtre que l'on voyait en transparence (c'était dégoûtant), les filtres au fil des semaines devaient vous déshabituer de votre accoutumance mais pour moi ce fut inefficace, tant et si bien, qu'au lieu de m'arrêter j'ai continué avec de vrais fume-cigarettes Dunhill, qui avaient le même système de filtre que je changeais quotidiennement. Le bout était en bakélite et se terminait par un bel embout comme celui-ci, en vermeil, sauf que le mien était en argent, offert par mon chéri, complètement fou, qui devait fantasmer sur Audrey Hepburn, plus que sur Alice Sapritch (qui fut pourtant une talentueuse comédienne). (Je les ai - bien - revendus sur Internet, j'en avais deux), çà me donnait "un genre" mais je m'en fichais, je n'avais plus de bronchites! Dommage peut-être car cela m'avait enlevé toute envie d'arrêter. D'ailleurs il valait mieux pas, je n'aurais plus supporté la fumée des gitanes maïs, du tabac à rouler, des havanes, de mon aimé, si je m'étais arrêtée sans que lui n'en fasse autant.

Quand il est mort, j'ai continué, je me disais que ce n'était pas le moment d'arrêter, que çà m'aiderait à ne pas augmenter les doses de lexomil, pourtant je commençais à être saturée de fumée, surtout à l'agence, où çà clopait dans tous les bureaux, en commençant par celui de mon boss (l'interdiction n'était pas encore de rigueur).
Trois ans plus tard...

La troisième fut la bonne : après une nuit blanche (mon voisin du dessus, Marc Edouard Nabe - sans commentaire - emménageait en pleine nuit, un boucan du tonnerre, me suis levée à 2 h pour lui dire que ce n'était pas une heure pour emménager - ce qui m'a valu quelques jours plus tard une missive format poster, inénarrable -) après une nuit blanche donc, ma filleule près de moi, tentant de fermer l'oeil, nous nous sommes levées à 4 h 30 pour aller prendre un avion qui allait nous emmener à Venise (j'avais gagné les billets... mais sans l'hôtel), je me sentais nauséeuse. Aéroport, attente, on se trompe de file, du coup on nous refile des places au dernier rang alors que je voulais être à l'avant. Embarquement. La cigarette n'était pas interdite, seuls les premiers rangs étaient non fumeurs! Nous étions enveloppées de fumée, j'étais verte et ce fut la première fois que je fus malade en avion. La fumée après la nuit blanche m'avait achevée. Je voulais rester digne pour ma filleule. Enfin, Venise. Le mal de mer était tangible pendant la traversée du Canal en vaporetto et ne m'a pas permis d'apprécier cette arrivée (mais c'était mon deuxième voyage à Venise), il était temps que je mette pied à terre.

En arrivant dans la chambre de l'hôtel, je me sentais revivre, elle était jolie et le carrelage vénitien superbe, et je me sentais heureuse d'être là - les souvenirs de nous deux affluaient -nous nous sommes allongées sur le lit, elle était aussi très fatiguée, et elle m'a dit : tu ne fumeras pas dans la chambre, hein? Et je lui ai promis, non seulement dans la chambre mais pendant les 4 jours avec elle à Venise, qui furent, merveilleux. Nous étions les "bellissimas" des vénitiens ce qui nous amusait beaucoup. Depuis, nos coups de fil se terminent toujours par un complice : Ciao ciao ma bellissima;o).

A notre retour à Paris, je l'ai raccompagnée au train à Montparnasse, en me disant : vivement que j'en allume une. Arrivée à l'atelier, j'ai pris mon fume-cigarette et... je n'ai pas mis de cigarette dedans. Je n'ai plus jamais refumé, ni eu besoin de lexomil, je m'étais sevrée bien avant. J'ai sucé la bakélite pendant quelques mois, puis je l'ai rangé dans un tiroir.

La nausée avait été plus forte que mon envie de fumer.

lundi 11 janvier 2010

Eric Rohmer bis


Je viens d'apprendre sa disparition. Il avait 89 ans. C'est curieux, je suis depuis deux semaines en train de revoir quelques-uns de ses films et vendredi j'ai revu Le rayon vert, ce film m'a souvent accompagnée dans ma contemplation des couchers de soleil sur la mer, espérant toujours voir le miracle de ce rayon vert (j'ai cru le voir une fois, je pense que c'est parce que j'y croyais très fort mais ce n'était pas cela, même si ce que je voyais était superbe).

Je connais par coeur La collectionneuse, Ma nuit chez Maud, Le genou de claire, L'amour l'après-midi...

Un cinéma intimiste que j'aime beaucoup. Mais je l'ai déjà dit ici.

Le Roi du bois

"J'ai peint pour être prince.
J'avais peut-être douze ans. C'était encore le plein été, l'heure du soir où il fait encore chaud, mais les ombres tournent. Je faisais glander des porcs dans un bois de chênes vers Nemi, en contrebas d'un grand chemin; j'avais écorcé une baguette et m'étais beaucoup réjoui d'en frapper ces grosses bêtes ineptes passant à ma portée. Je m'en étais lassé et me contentais de briser à toutes volées les fougères, les fleurs hautaines du sous-bois, dont ma violence exaltait les odeurs; j'aimais user de ce fléau. J'entendis venir au loin une voiture lourde, à petit train; je me cachais et me tins coi : le plein soleil frappait la route et j'étais là dans l'ombre à regarder cette route au soleil, pas plus haut que la terre, invisible. A dix pas de moi et de mes porcs dans la lumière de l'été un carrosse s'arrêta, peint, chiffré, avec des bandes d'azur; de cette caisse armoriée jaillit une fille très parée qui riait, elle courut comme vers moi; elle m'offrit ses dents blanches, la fougue de ses yeux; toujours riant elle se suspendit à la limite de l'ombre, résolument me tourna le dos, un interminable instant elle se campa dans ce soleil marbré de feuilles où flambèrent ses cheveux, ses jupes d'azur énorme, le blanc de ses mains et l'or de ses poignets, et quand dans un rêve ces mains se portèrent à ses jupes et les levèrent, les cuisses et les fesses prodigieuses me furent données, comme si c'était le jour, mais un jour plus épais; brutalement tout cela s'accroupit et pissa. Je tremblais. Le jet d'or au soleil sombrement tombait, faisait un trou dans la mousse. La fille ne riait plus, tout occupée à serrer haut ses jupes et sentir d'elle s'évader cette lumière brusque; la tête un peu penchée, inerte, elle considérait le trou que cela fait dans l'herbe".

Pierre Michon, Le roi du bois (éd. Verdier).

Ce livre n'a de minuscule que ses 50 pages. Ce sont 50 pages d'un festin savoureux et, comme le dit Thierry Guichard dans le Matricule des Anges : "L'écriture de Pierre Michon est comme un piment mexicain : il suffit de peu pour en avoir plein la bouche; à ceci qu'avec Michon le goût est riche de mille finesses".

Que deviendrais-je si un jour je ne pouvais plus lire, ni éprouver ce plaisir si intense. Je ne lis pas seulement pour me distraire; la littérature m'aide aussi à me trouver.

"Peu de lectures, mais simples, fortes, qui laissent des traces". Jules Michelet
"Celui qui lit tout n'a rien compris". Thomas Bernhard.

dimanche 10 janvier 2010

Le journal

"Tout journal relate la lutte d’un homme seul contre tous. Il est par conséquent destiné à séduire, circonvenir ou intoxiquer l’ennemi."
Eric Chevillard, L'autofiction.

L'oreiller de rêve



Je vais pouvoir bientôt ouvrir un magasin! Depuis un an, est-ce mon changement de lit, l'impossibilité d'avoir la tête au nord, les insomnies deviennent récurrentes! Alors, j'achète toutes sortes d'oreiller, espérant à chaque fois avoir enfin trouvé le bon! Habituée aux oreillers carrés je me suis dit que peut-être les rectangulaires allaient moins me tordre le cou. Ben non. Et hop, en voilà deux à mettre au rancart; je fais en plus dans le détail, achat d'un rectangulaire bio en fibre de bambou, en 15 jours, j'en ai fait deux oreillers en un, plus de fibre au milieu, nul. Le deuxième rectangulaire en fibre creuse siliconée, idem. Bon, voyons voir avec des carrés : je reprends mon oreiller en plumes (mais çà fait du bruit dans l'oreille, oui oui, je fais de l'hyperacousie;o)), même pas la peine de reprendre un carré en fibre siliconée, j'ai les joues en feu avec. Et si j'essayais un traversin sous l'oreiller? Hop, j'achète un traversin de luxe dans une boutique spécialisée. Pire que tout, réveil au milieu de la nuit avec un torticolis. La rage, je balance le traversin et j'essaie de me rendormir, un oreiller rectangulaire à gauche et à droite, au milieu pour ma tête un rectangulaire (heureusement que je suis seule, il est d'ailleurs possible que je dormirais mieux sur une épaule, quoi... que), au réveil je suis entourée d'oreillers en bataille et je me dis : mais qu'est-ce que j'ai fichu cette nuit?



François Matton : C'est mérité


Je me demande si ce n'est pas celui-ci qu'il me faut;o)?
Mon dernier achat, hier, j'ai hésité entre un oreiller ergonomique et un oreiller carré en latex. Le vendeur n'a pas réussi à garder son sérieux en me voyant faire mes essais d'oreillers sur le matelas de sa boutique : sur le dos, sur le côté, avec l'un puis avec l'autre, revenant à l'un puis à l'autre, je n'arrivais pas à me décider. Un moment j'ai cru que j'allais m'endormir sur celui en latex. Je l'ai acheté. Première nuit sans torticolis, c'est déjà çà!



Fragonard, Rêve d'amour